Quelques questions au Père Berto
L’Abbé Victor-Alain Berto a été rappelé à Dieu le 17 décembre 1968. Cinquante ans après, son héritage reste d’actualité. Nous l’avons interrogé pour vous (citations extraites de ses écrits).
Mon Père, vous êtes le fondateur des Dominicaines du Saint-Esprit.
Des Dominicaines ne peuvent avoir de vrai fondateur que Saint Dominique. Dieu s’est servi de moi pour les agréger à l’Ordre de Saint Dominique.
Pendant de longues années, avec les Mères, vous vous êtes occupé des orphelins et des enfants malmenés par la vie, au foyer Notre-Dame de Joie.
Pour les petits pauvres ont été les hosties de ma première messe. J’ai demandé à Notre-Seigneur d’aimer les pauvres, et de leur réserver toujours, dans mon ministère, une place de choix.
Pour eux, vous vous êtes fait « père de jeunesse ». A votre avis, quel est le but essentiel de l ‘éducation ?
La fin de l’éducation est que l’enfant en vienne à préférer librement pour toujours le vrai au faux, le bien au mal, le juste à l’injuste, le beau au laid, et Dieu à tout.
Votre conception de l’éducation n’est-elle pas fortement marquée du caractère dominicain, au Tiers-Ordre duquel vous appartenez, en particulier dans sa passion pour la vérité ?
En effet, là est notre vocation dominicaine : mettre la vérité dans les âmes, ou ce qui revient au même, mettre les âmes dans la vérité. C’est du reste la plus grande charité. Il faut se donner à la Vérité comme Marie s’est livrée à Dieu. Et il faut donner la vérité avec une grande humilité et une grande charité, comme Marie encore.
Et c’est pourquoi vous tenez à donner aux enfants une formation intellectuelle exigeante.
Oui, comme je l’écris à un petit du foyer, « continue à bien travailler pour être dans le vrai. La vérité est au-dessus de tout, car elle nous fait plus proches de Dieu. » « Il faut remplir ton esprit de toutes les vérités que tu peux attraper. » Explications, versions, problèmes à résoudre sont autant d’occasions de découvrir la vérité cachée.
Comme parents, comme éducateurs, notre désir profond est que nos enfants soient heureux, vraiment heureux, non de l’ersatz de bonheur que nous propose la société consumériste, mais du bonheur des Béatitudes. Comment faire ?
Un enfant n’est pas heureux si on le gâte, si on cède à ses caprices, si on lui donne raison quand il a tort. Un enfant est heureux quand il est absolument sûr qu’on l’aime, tout simplement, mais qu’on l’aime pour lui-même, pour sa valeur infinie devant Dieu, sans défaillance, sans faiblesse, sans caprice – car il y a aussi les caprices des éducateurs, et même des papas et des mamans-, mais avec égalité, constance d’action, patience, fermeté inlassable. C’est cela aimer…
Cela, c’est l’idéal, bien difficile à réaliser. Dans la vie quotidienne, nous connaissons les échecs, les erreurs, nous sommes confrontés à nos limites…
Il n’est pas nécessaire que ce soit réalisé ; nul germe ne lève aussitôt que semé. Il suffit pour l’éducation que ce soit inculqué inlassablement. D’ailleurs, il n’est point en éducation de méthode infaillible. Avec les enfants, laissez-vous aller à la grâce du moment : plus on calcule, moins on y voit clair. C’est affaire au Saint-Esprit.
A notre époque de dispersion, comment apprendre à nos enfants la vie de prière ?
prière deSaint Pie X avait cent et mille fois raison de dire que « la participation active à la liturgie de l’Eglise est la source première et indispensable du véritable esprit chrétien ». La prière, composée de paroles empruntées à la liturgie et choisies parmi les plus expressives, accoutume l’enfant à modeler sa propre prière sur la l’Eglise.
A quelle qualité attachez-vous une importance particulière ?
La reconnaissance habite les bons cœurs ; qu’elle habite aussi les nôtres. Or, la meilleure reconnaissance, c’est la fidélité aux principes qu’on a reçus : la piété, la bonne conscience, la détestation du péché, le travail, la bonne humeur, l’entrain à faire son devoir…
Nous envisageons un pèlerinage en famille. Avez-vous une destination à nous suggérer ?
Rome ! Je veux « romaniser » nos enfants ! Car quel meilleur moyen de les « évangéliser » ? Rome est douce, accueillante aux humbles, maternelle aux petits, c’est une vraie patrie des âmes.
Pourtant, même au sein de l’Eglise sévit la tempête. Bientôt peut-être ne reconnaîtrons-nous plus l’Eglise.
Parole impie et sotte ! N’en croyez rien. L’Eglise demeurera le Corps et l’Epouse du Christ, la Mère des âmes, elle continuera à célébrer le Sacrifice eucharistique, à distribuer les sacrements. Pierre, dans son successeur, quel qu’il soit, demeurera dans la plénitude de la souveraineté apostolique. « Tu es le Rocher et sur ce rocher, je bâtirai mon Eglise, et toutes les forces de l’enfer ne l’emporteront pas contre elle. » Telle est notre foi d’aujourd’hui, telle sera notre foi de demain, la seule qui puisse nous sauver et sauver le monde de la barbarie, de l’esclavage, de la destruction.
A l’école du Père Chevrier, vous avez toujours cherché à soutenir vos frères prêtres, notamment à travers une fraternité sacerdotale diocésaine. A l’heure où le sacerdoce est si attaqué, que diriez-vous aux prêtres d’aujourd’hui, pour les fortifier dans leur mission ?
Que le prêtre soit reconnaissant à Dieu de son sacerdoce. Un prêtre qui a fait faire sa première communion à un petit enfant n’a plus jamais le droit de se plaindre de Dieu ; c’est Dieu qui a le droit de tout exiger de lui. Ainsi, le sacerdoce a été le bonheur inénarrable de ma vie.
Priez pour les prêtres, priez pour ceux qui seront prêtres. Que nos cœurs s’ouvrent grand, qu’ils se dilatent à la mesure de celui de Jésus, ou plutôt qu’ils deviennent, comme le Cœur de Jésus, des instruments et des organes de la Charité divine.
Mon Père, bénissez-nous.
Oui, je vous bénis, de tout mon cœur, avec grande tendresse et grand respect. Je bénis votre front, pour qu’il porte le signe de la Croix ; vos oreilles, pour qu’elles entendent les préceptes divins ; vos yeux, pour que vous voyiez la clarté de Dieu ; vos narines, pour que vous sentiez le parfum du Christ ; votre bouche, pour que vous disiez des paroles de vie. Je vous bénis afin que vous ayez la vie éternelle, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Un dernier mot ? Nous avons besoin de courage sur le chemin de la sainteté !
Allez à Jésus en toute confiance. Vous n’avez pas autre chose à faire qu’à vous laisser aimer !
Pour aller plus loin :
Notre-Dame de Joie, Correspondance de l’Abbé V.A. Berto, NEL 1989
Le Cénacle et le jardin, intelligence et spiritualité du sacerdoce, DMM 2000
Guy Scriff, L’Abbé Berto et la mission de France, DMM 2002
Correspondance paternelle, Traditions monastiques 2018